Belgium ! Here OuiGo !

Texte: Jérôme Pierre, du blog Un Pneu dans la Tombe, pour le magazine RAD Motorcycles.

L’effet papillon, ça vous parle ? Il aura suffi que la SNCF mette en place une offre de TGV low cost entre Paname et le nord de la France, pour que mon pote Charlie ait l’idée de débarquer à la maison avec son appareil, et que s’organise pour nous une super virée en Belgique, pays où je me suis récemment installé. Lui se demandait alors encore pourquoi j’avais entrepris ce déménagement de l’autre coté de la frontière… 48h00 plus tard je pense qu’il a reçu le gros des réponses, à coups de démonstrations successives valant le plus percutant des discours. Entre temps il aura survécu à une tarte au Maroilles homemade (une spécialité du Nord), des 100aines de bornes d’autobeurk défoncée (une particularité de la Belgique), et des bières plus fortes et plus houblonnées les unes que les autres (une autre spécialité du plat pays, bien sûr)… Récit d’un weekend “chargé” à lire dans RAD Motorcycles Magazine #20 !

20 balles l’aller-retour en TGV, ça fait plus de pognon pour se pinter!

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Et dès le vendredi soir c’est ce qu’on est allé faire à Bruxelles place Flagey. Là, chaque semaine se retrouvent les mecs du Belgaz, pour un rasso qui ressemble fort à nos fameux rendez-vous UPDLT. Des années que ça dure des 2 cotés, avec de part et d’autre la même simplicité, l’authenticité, la convivialité et la spontanéité qui font parfois défaut à d’autres rassemblements. “For The Locals and The Braves » qu’y disaient… Pourtant, la chose n’est pas réservée au noyau dur des habitués, la manifestation est open, et on y croise régulièrement des motards venus de plus loin voir de l’étranger, ce qui fut quelquefois mon cas notamment. C’est pourquoi je peux affirmer en connaissance de cause que la 2ème partie de leur slogan est plus vraie, et pour les suivre avec ma brave petite W, il faut s’accrocher ! D’autant plus que le ring intérieur de la capitale prend vite des allures de circuit à la nuit tombée. Pas un feu ni un piéton à l’horizon, des tunnels à n’en plus finir, qui font écho au vacarme des échappements déchicanés, plongent, zigzaguent, s’enchaînent comme des lacets heureusement fort bien éclairés, ce qui n’est pas pour décourager l’essorage de poignée… Rappelons que de points les permis locaux ne sont pas affublés, on comprend alors aisément pourquoi la majorité de la troupe se déplace en Ducat’ à bracelets. Et puis, au bout de bientôt 300 rendez-vous honorés l’hiver comme l’été, ça en fait des anecdotes désopilantes accumulées ! Des tranches de vie façon Joe Bar Team, dont les principaux intéressés nous régalent autour d’une tournée de Duvel et Chimay, l’autodérision étant ici au même titre que le brassage un sport national. Le Belgaz, c’est un peu une compil’ d’histoires belges et de courses sauvages finalement, autrement dit un truc à ne pas manquer.

A tantôt, fieux ! Pour sûr on reviendra vous faire une baise et guindailler

Évidemment, avant de rentrer au bercail, on est allé faire un saut chez Legend Motors, à Lille ! Ce shop est un incontournable et à la nuit tombé Christophe offre systématiquement l’apéro.

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Le lendemain, après une nuit de sommeil bien méritée, c’est chez Brice & Oli qu’on s’est retrouvé. Kruz Company est le nom de leur atelier, et les bécanes qu’ils bricolent nous ont pour le moins bluffés ! Dans leur repaire ce jourlà, une Triumph 1200 Trophy sur le point d’être livrée, une grosse GT 4 cylindres à la base, complètement dépouillée, ramassée et racée. De la part d’un graphiste et d’un vidéaste sur le papier, on aurait pu s’attendre comme on en a déjà vus à un sketch bien marketé, mais nos amis sont loin de plaisanter, et leurs réalisations sont aussi fonctionnelles que soignées ! Exemple : sur cette machine un réservoir réduit (de KH400 en l’occurrence, mais largement modifié) ne devait pas rimer avec absence d’autonomie, aussi le bidon principal est secondé par un autre planqué sous la selle (façon Z900, elle, avec un discret feu frenché). Autres éléments révélateurs de l’attention portée aux détails : les 3 compteurs (dont un tachymètre GPS ne nécessitant pas d’être étalonné) parfaitement coordonnés, et pour cause, leurs fonds sont personnalisés. Juste à coté une autre Triumph, une Speed Triple plus récente, servait de base d’étude pour un kit carrosserie à venir en petite série, full carbone et plug & play, un truc, avec une ligne en titane comme ici, à vous faire gagner en une après-midi de boulot une 20aine de kilos et pas loin de 15 chevaux ! Voilà qui devrait faire le bonheur des propriétaires de ce déjà puissant et léger 3 pattes injecté, surtout s’ils souscrivent à l’option té de fourche supérieur taillé dans la masse, pile poil creusé pour accueillir un mini tableau de bord Motogadget tout intégré. Parallèlement, nos compères tentent de faire avancer leurs projets persos, et dans le lot on trouve un petit drag’ sizé pour un ado. Anecdote amusante : cette bitza née de la rencontre entre un authentique cadre de Dax et un actuel mono Kitaco dispose d’une carte grise “Honda 124 cm3”, ne correspondant à aucun modèle ayant réellement existé ! Mais même sur le plan administratif, beaucoup de choses sont possibles au pays du pragmatisme… Pour les perfs : Keihin CR26 à l’admission et Kerker de Chaly à l’échappement ; et pour le look : planche de skate en guise d’assise, percée pour laisser l’accès au bouchon popup du réservoir amovible. Entre autres modifs et adaptations, un taf de fou abattu même sur cette patinette…

Avec grosso modo 155 chevaux pour 170 kilos, leur Speed Triple maison devrait offrir un bon ratio !

 

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L’après-midi c’est chez MotoKouture que nous étions attendus, du coté de Courtrai. Ce bouclard désormais mondialement connu est situé à Zwevegem exactement, une petite commune en apparence bien tranquille, et dont les attachants Steven & Sophie doivent constituer une des principales animations. Surtout Steven, en fait, qui est probablement aussi sympathique que… cinglé ! Mais à la manière des ventriloques aux propos parfois difficiles à assumer, c’est derrière son avatar en papier mâché, “Motoman”, qu’il se retranche pour accomplir ses pires excentricités. En revanche quand il s’agit de parler de ses prépas, il redevient plus sérieux. Ou pas ! Quand on lui demande par exemple, à propos de son Sportster racing estampillé “MK20 PERSISTOR”, pourquoi avoir placé devant le filtre à air une curieuse grille en forme de pointe, empêchant de bien distinguer la photo de gonzesse à poil dont il est orné : “C’est pour être sûr si je fais un accident, que je tue bien la personne”sic. Tout cela restant évidemment à prendre au 1000ème degré, une des spécialités locales étant de faire les choses sérieusement sans jamais trop se prendre au sérieux. Ainsi notre camarade a donné naissance à un pseudo mouvement devenu aussi le nom d’un de ses évènements : “Cosmic Nozems”, sorte de tonup boys néerlandophones 2.0, aussi passionnés de musique « quivafort » que de motos « quivontvite » ! Mais pas le temps de tout assimiler, malgré son français presque parfait, le voilà courant à droite et à gauche pour nous exposer ses différents projets : ici une Buell 1800 cm3 ultra compacte à fignoler, là une 1200 GS BMW cafraTT option GT à peine entamée, mais qui dans sa tête est déjà toute dessinée… Vous avez du mal à visualiser ? Nous aussi ! Mais lui sait où il va, à n’en pas douter. D’ailleurs sa destination du soir même est déjà établie : comme chaque hiver pour fêter la nuit la plus longue de l’année, il rejoint des potes dans des champs alentour aux allures de marais, et ensemble ils vont se lancer dans une sorte d’enduro pour noctambules dont l’issue, sauf noyade d’un des participants, est censée être un barbecue… Au mois de décembre ! Je vous le disais, il est givré. C’est un peu à l’écart de cette effervescence, dans son propre petit atelier, que Sophie, elle, se penche sur les cuirs et les combis qu’on lui apporte ou qu’elle conçoit elle-même de la tête aux pieds. Son activité a débuté avec le lettrage et le sponsoring des équipements de pilotes sur circuits, et puis de fil en aiguille, elle s’est mise à proposer des vêtements en peau taillés sur mesure, offrant autant point de vue look que point de vue protection. Sur son carnet à dessin, le design de ses prochaines créations : des vestes super ajustées mixant cuir blanc brut pour le corps, et pièces de récup’ pour les manches pour un résultat patiné et bien stylé ! On a hâte de voir ça.

Steven ne nous a pas obligés à le suivre dans son délire de rallye aquatique et nocturne, on l’a échappée belge!

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La Belgique a beau être un petit pays, un weekend ne peut suffire pour dresser un état des lieux exhaustif des talents qu’elle abrite. Le dimanche nous avons quand même trouvé le temps de rendre visite à nos camarades de KD Motorcycles. LES ORFEVRES WALLONS… Le lendemain de notre virée belge, nous sommes retournés à Bruxelles pour le déjeuner. L’après-midi nous avions rendezvous un peu plus au sud, du coté de Nivelles, et trouver par quel biais quitter la capitale pour aller dans cette direction ne fut pas une mince affaire. “Vous faîtes demi-tour, et vous coupez par le parc tout droit. Ca va ?” Ouais, t’es mignonne Mamie, mais la route qui traverse tes hectares de verdure est loin d’être droite, et on tombe même sur un carrefour en T ! Une vraie histoire belge…

Tu sais ce qu’il y a, toi, dans une fricadelle?

Mais une fois sur la bonne nationale ça roule, au moins jusqu’à Waterloo où ça sent un peu la défaite. Se taper le centre hyper commerçant un dimanche juste avant les fêtes, comment dire… Oui, ça donnerait presque envie d’abdiquer. Bref, passés les bouchons nous voilà enfin sur le chemin de VillerslaVille, et à l’arrivée, surprise : magnifique ! Le bled compte une énorme et remarquable abbaye, bien qu’en ruine, et que la route traverse même en partie. Plus photogénique, tu meurs, et pour sûr on vient de trouver une destination pour une prochaine virée à bécanes avec les copains. Mais pas le temps de s’attarder et de s’attabler à l’estaminet voisin aujourd’hui, Laurent, Pascal & Mike nous attendent et nous sommes déjà en retard. Leur atelier se trouve un peu à l’écart du centre touristique, pas forcément simple à trouver, mais nous ne ménageons pas nos efforts étant donné la récompense à la clé : shooter leur superbe Triumph T140 “First racer”, une évocation de dragster à l’allure bien rétro. Cette machine je l’ai découverte il y a presque 2 ans maintenant, au rasso hot rod & custom de Chimay, où à leur grande surprise elle avait été élue “best of show”. Moi cela ne m’avait pas vraiment étonné, vu qu’après avoir fait le tour des stands elle restait ma préférée, clairement mon coup de coeur de la journée. Un vrai bijou à la ligne parfaite et à la finition exceptionnelle, fruit d’un travail de passionnés n’ayant pas compté leurs heures…

“Best of show” à Chimay, et 10ème dans la catégorie “Retro modified” au championnat AMD!

C’est d’autant plus considérable qu’il s’agit là de leur 1er chantier, mais leur exigence les a d’emblée poussés à reprendre telle ou telle partie, à recommencer chaque fois qu’ils n’étaient pas complètement satisfaits. Et si à l’arrivée le résultat est des plus homogènes, il n’en reste pas moins un assemblage improbable d’éléments de provenances très diverses, un truc à faire hurler les puristes du boulon “period correct”. L’unique compte-tours Smith par exemple, en position centrale, est un accessoire NOS chiné la nuit sur eBay U.S., mais son cerclage, lui, est un support maison taillé dans la tête d’une vulgaire bonbonne de gaz ! Soigneusement taillé, percé, ajusté puis chromé, ça pète, attention les mirettes. Et tout le reste est à l’avenant. Les papillons de réglage de la tension de chaîne ont été chipés sur la batterie auto du beau-frère, mais le feu arrière est un rarissime Rog d’époque made in Belgium, arrivé dans sa boite d’origine. Nos compères sont donc doués pour sourcer de belles pièces, mais pas seulement ! Et plus d’un détail homemade sur leur projet a retenu notre attention. La patte à droite notamment, qui supporte en même temps le maître-cylindre et le bocal arrière, tout en épousant parfaitement le carter, c’est du porn ! On pourrait encore citer la fixation du bac à huile qui englobe le tube de retombée, la selle sur charnière maintenue par 2 goupilles qu’il suffit de virer pour accéder aux composants électriques bien planqués… Et d’ailleurs, ne cherchez pas après le faisceau, il est intégralement passé dans le cadre rigide fabriqué spécialement pour cette moto. Propre de chez propre on vous dit ! En fait, à part le bloc et le bidon tout juste patiné, il ne reste rien de l’Anglaise qu’ils ont achetée en pièces détachées. Mais comme la peinture du réservoir leur plaisait, le reste de la carrosserie s’est vu recouvert du même noir à lisérés dorés. La géométrie et l’empattement de l’ensemble, eux, associés aux guidons bracelets, nous plongent carrément dans l’ambiance dragster à l’ancienne, il ne manque peut-être que des commandes reculées pour que l’esprit soit parfaitement respecté. Et le tambour double came de Laverda SF, le raidisseur de fourche Hyde et le coupe circuit de compète, ajoutent autant de touches racing à cette machine que l’on voudrait bien enfourcher ! Ah parce que vous pensiez être face à une trailer queen ? Une brèle de salon tout juste bonne à épater dans les expositions ? Que nenni ! Elle roule cette bécane, et ils n’ont pas résisté à nous en faire la démonstration malgré l’absence de plaque d’immatriculation…

Allez ! Un petit tour à travers la forêt, ça serait bien le diable qu’on se fasse attraper

Ça ne vous rappelle pas une fameuse planche de Joe Bar Team ? Moi si, mais cette fois les flics n’étaient pas planqués derrière le muret avec leur carnet. Du coup, quel son, quelle dégaine… En route elle nous subjugue encore plus. De retour à l’atelier, hospitalité belge oblige, c’est une Paix-Dieu à la main que l’on aborde le sujet de leurs prochains projets à 2 roues, une bière brassée uniquement les nuits de pleine lune… Par des moines loups-garous ?

10° en tout cas, c’est sorcellerie ! En faisant le tour du propriétaire, j’aperçois sur le pont ce qui ressemble à une 900 Bol d’Or en cours de “caféracerisation”, au mur un calendrier “sexy” généreusement offert par Wurth, dans un coin le chopper 4 pattes d’un copain qui réclame quelques soins, sur une table un snow scoot full custom construit pour un fan de la discipline… Pas d’intrus, chaque chose est à sa place dans ce repaire de mecs qui aiment usiner, cintrer et souder jusque tard dans la nuit. Mais LA prépa des prochains mois est juste là, au centre, encore posée sur le marbre. Leur Triumph “First Racer” s’étant tout de même classée 10ème au championnat du monde organisé par l’AMD, ils aimeraient voir la suivante encore mieux placée ! Sur le podium ? L’avenir nous le dira. Ils y travaillent en tout cas, le postulat est là, les idées ne manquent pas, et le résultat devrait être hyper soigné. Ce qu’on peut vous dire pour le moment, c’est que dans leur châssis maison sont déjà alignés 2 monos Jap de speedway… De 50 bourrins chacun ! Ça promet. Avec le niveau qu’ils souhaitent atteindre, et leurs familles et leurs day jobs qu’il faut bien assumer, il ne faut pas s’attendre à les voir sortir 10 bécanes par an. En revanche, avec celle-ci je m’attends à être de nouveau épaté, et carte grise ou pas, j’espère qu’on aura le plaisir de la voir tourner. S’alignera-t-elle sur la grille de départ à Chimay pour un 400 m départ arrêté ? Affaire à suivre…

All images are under copyright © Charles Séguy

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